Je commence à lire en elle, à l’apprivoiser. Les détails deviennent des évidences et trahissent les femmes en elles qui la font femme; singulière. Son pas a gagné en assurance, sa poitrine haute et sa silhouette cambrée par ses talons ajoutent à sa prestance. Je ne suis dupe de rien, pas d’elle. Elle peut se masquer derrière une respiration lente, je sais ce qui l’anime désormais. Je lis en elle avec appétit, j’apprends; les mots sont clairs, seule la ponctuation, parfois, m’échappe encore. L’audace de sa timidité me submerge toujours un peu plus.
Le temps de griller une dernière cigarette et d’allumer quelques bougies parfumées. Elle entre les yeux bandés, les lèvres nues; les détails, ses détails. Sa démarche est sure, elle avance en terrain conquis, elle sait où elle pose le pied. Une sorte de procession dans ce qui était devenu notre sanctuaire, et me calant dans son pas, je prends sur moi de ne brûler aucune étape. Son cou dégagé appelle mes lèvres à y laisser, comme un animal, l’empreinte de mon passage. Elle m’appartient. Mes mains sur sa peau, caressantes, d’une douce brutalité, lui indique le chemin de ma félicité, jusqu’à soigner ma crampe d’amour. Nous avons désormais notre langage fait de gestes, de soupirs, et de nos mots à nous. Je lui raconte dans des vers déliés, la traverse vers cet autre part qui, je le sais, lui fait tant envie.
Je la veux dans ma chambre, mais je la veux nue. « Enlève ta robe ». Elle me satisfait sans plus me contraindre, nos plaisirs emmêlés. Elle est un cadeau qui s’offre à moi, privilégié, subjugué, excité. Ses lèvres nues deviennent alors irrésistible, et je ne résiste pas à me perdre entre ses lèvres, comme un égaré qui retrouve son chemin à l’instinct d’un souvenir. Je veux la voir, la sentir différemement. Je la porte jusqu’au fauteuil, je la veux indécente, perverse. La vision de ses cuisses grandes ouvertes et de son sexe humide finissent me rendent impatient. Ses mains. Liciencieuses. Si belle qu’elle pourrait m’en faire jouir juste en m’effleurant. La mélodie de ses doigts mouillés abat mes dernières résistances, et je me précipite sans un mot, dans un silence assourdissant, avide, sur son sexe trempé. Je me suis toujours délecté de son goût. Plus encore de l’image de cette femme qui m’abandonne tout dans son abandon, qui m’offre son corps et son âme. Elle est si belle, que je ne peux m’empêcher de la contempler, encore un peu.
Ces doigts posés de chaque côté de ses lèvres, plus qu’ouverte, laisser ruisseler son envie de mon vit en elle. Impatiente, elle attend le coup de semonce; il ne viendra pas. Pas tout de suite, pas maintenant. J’ai d’autres idées en tête. Je lui raconte autour d’un verre et de fruits de son goût. Je les pose sur son entrejambe brûlant, pour les déposer ensuite entre ses lèvres. Elle se goûte, naturellement sucrée. Elle m’écoute, mais elle est distraite, sa lubricité en branle déjà, ailleurs, là où je l’emmènerai. Je l’emmènerai chez cet homme qui saura parfaire son éducation, et fera vivre en elle cette petite catin sur le point de se réveiller. Son corps me dit qu’elle conteste légèrement, qu’elle a remis quelques doigts sur les rênes au cas où, mais je ne crains rien, je sais ce que je fais.
Nous ne disons rien sur le chemin qui nous mène vers cet autre. Un silence que j’entretiens, car il la rend fébrile, et je sais depuis toujours que cette fébrilité très souvent nourrit son excitation. Elle ne dit rien, elle attend, prend des inspirations plus profondes, pour mieux se calmer dans la seconde. On se gare, et seulement couverte de son bandeau sur les yeux, elle me suit jusqu’à la porte. La porte s’ouvre et il prend le relais, et la guide vers la pièce principale où du vin nous attend. Elle est installée sur un fauteuil alors que nous discutons tranquillement, lisant tranquillement ses attitudes, devinant ses pensées. Mon ami me sourit, ce sourire que je connais et qui signifie qu’il est fier de ma trouvaille, une petite dépravée, singulière, différente. Une perle… qu’il lui fallait éprouver, pour en jauger la réelle valeur. D’un signe de la main, je lui indique qu’elle est toute à lui, au moins pour quelques instants.
De quatre mains fermes, nous la traînons à l’étage, là où il dévore ses proies, et sans mise en garde, commence alors une danse effrénée, lascive, animale; la proie jouant de l’instinct de ses chasseurs, se laissant prendre pour mieux échapper, pour mieux être prise, encore. A nos pieds, avide, insatiable, lubrique, totalement lubrique; elle est une ode à la perversion. Ma salope, que je partage car il est trop égoïste de vivre seul avec son trésor. Elle s’oublit et s’accomplit, halète et jouit, devine et anticipe. Elle est prête. Elle l’ignore peut-être, mais moi je le sais, elle est prête; je lui retire son bandeau. Elle hésite, garde les yeux fermés comme on se prémunit d’un saut qui peut tout changer. Elle est prête. Prête à se confronter à elle-même, à son reflet dans mes yeux, prête à se voir, dans mon miroir.
Nous étions tous nus, l’âme à vif, avec nos faiblesses et nos vérités. Il n’y avait ni maître, ni soumise, ni dominant, ni chienne. Juste nous, et lui. Allongés, sur le même chemin.
Miroir, mon beau miroir…